Quand l’interdépendance des contrats aide l'usager dans le cadre du crédit-bail
De nombreuses entreprises, commerçants et professionnels font appels à la location financière (crédit-bail) de leur équipement nécessaire à l’exercice de leurs activités. Il s’agit d’une relation tripartite où le prestataire vend le matériel à un organisme financier qui le loue ensuite au professionnel. Ce schéma évite au professionnel un investissement lourd, permet d’avoir toujours un équipement moderne et de bénéficier de la maintenance et des garanties.
Mais que faire, si le matériel loué est défaillant alors que le bailleur continue à exiger le paiement des loyers ?
Notre Cabinet a obtenu la caducité du contrat de location grâce au principe d’interdépendance des contrats consacré par l’article 1186 du code civil. En effet, l’opération de location financière de matériel informatique implique souvent plusieurs contrats interdépendants, notamment :
- Contrat de location financière (ou crédit-bail) : Conclu entre le bailleur (généralement une société de leasing) et le locataire, ce contrat permet au locataire d'utiliser le matériel moyennant des loyers périodiques.
- Contrat de vente : Conclu entre le fournisseur du matériel et le bailleur. Le bailleur achète le matériel pour le mettre à disposition du locataire.
- Contrat de maintenance et de support : Conclu entre le locataire et un prestataire de services, parfois également le fournisseur, pour assurer l'entretien et le bon fonctionnement du matériel.
L’interdépendance signifie que ces contrats ne peuvent pas être envisagés isolément car ils forment un ensemble économique cohérent. La défaillance ou la nullité de l’un des contrats peut affecter les autres. Par exemple :
- Si le matériel est défectueux (problème au niveau du contrat de vente), le locataire pourrait contester les paiements des loyers au bailleur.
- Si le bailleur ne livre pas le matériel, le locataire pourrait avoir des recours contre le bailleur ou même contre le fournisseur.
Les conséquences juridiques de l’interdépendance des contrats peuvent inclure :
- Nullité du contrat : La nullité du contrat de vente peut entraîner la nullité du contrat de location financière.
- Résiliation anticipée : Si le matériel n’est pas conforme ou ne fonctionne pas, le locataire peut demander la résiliation anticipée du contrat de location financière.
- Exception d’inexécution : Le locataire peut suspendre les paiements des loyers en cas de défaillance du matériel ou de non-respect des obligations de maintenance.
En application de l’article 1186 du code civil évoqué :
“Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.
La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.”
Si le principe est largement admis, c’est sur ce dernier point (connaissance de l’existence de l'opération d'ensemble) que de nombreux contentieux portent.
En effet, en cas de différend, le bailleur pourra invoquer – et le fera souvent à notre avis – qu’il ne connaissait pas l’existence du contrat entre le locataire et le prestataire lorsqu’il a donné son consentement pour la conclusion du contrat de location financière. Or, c’est au locataire qu’incombe la charge de cette preuve qui peut être compliquée (cf. p.ex. CA Lyon 27/02/2020).
Dans le cas que nous avions à défendre, après la liquidation d’un fournisseur de matériel de diagnostics immobiliers, le matériel est devenu inutilisable : plus de mises à jour, plus de garanties, plus de maintenance etc. Néanmoins le bailleur continuait d’exiger du diagnostiqueur le paiement des loyers.
Devant le tribunal c’est justement l’absence de la connaissance du contrat entre le locataire et le prestataire qui a été invoquée par la société de leasing. Plus précisément, c’est la présence et l’importance du logiciel fourni avec le matériel que celui-ci aurait prétendument ignorées.
Or, nous avons d’abord démontré que plusieurs échanges et documents mentionnaient bien l’existence du logiciel.
Par ailleurs, le tribunal a conclu qu’en sa qualité de bailleur professionnel, la société de leasing ne pouvait valablement ignorer que ce type de matériel, du fait de sa destination intrinsèque, ne pouvait pas fonctionner sans un logiciel adéquat.
Décision positive pour les locataires car il est beaucoup plus facile de prouver qu’un tiers « ne pouvait pas ignorer » plutôt que « il connaissait » ...
Le même principe vaut pour tout autre matériel, y compris véhicule, installation téléphonique etc. (jurisprudence CA Paris, 8 décembre 2023, n° 21/19539, CA Grenoble, 14 septembre 2023, n° 22/01122).
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